20 février 2009

Pécresse la Tigresse

Comme l'appelle Dorian. A sa demande, je vais alors parler un peu de cette réforme. Je n'en connais pas tous les rouages mais j'ai essayé de trouver des avis un peu partout. Je vais donc citer ici des opinions et des chroniques parus sur le site du Monde. Et tenter d'exprimer un peu mon avis. Il y aura sûrement des erreurs dans ce que je dis, j'essaye juste de vous dire comment je comprends la chose.

"L'axe principal de la réforme de l'université est la possiblité donnée aux présidents d'universités de moduler les heures d'enseignement des enseignant-chercheurs. Ce projet est dangereux car il présente l'enseignement comme une punition et favorise l'arbitraire et le clientélisme au sein d'une université déjà victime du mandarinat. Il est aussi hypocrite, car parallèlement des postes sont supprimés, entraînant mécaniquement une modulation à la hausse de l'enseignement. Il est finalement contre-productif car les enseignant-chercheurs auront globalement moins de temps à consacrer à la recherche."

Apparaissent ici, deux des points problématiques de la réforme.

1/ La suppression des postes: moins d'enseignants-chercheurs (EC) -> Plus de travail par personne: alors soit les EC devront se concentrer sur la portion obligatoire de leur travail, l'enseignement, et la recherche en pâtira, soit certains enseignements seront supprimés, faute de financement pour les profs, interventions et matériel (j'ai été récemment contacté par les responsables de mon master afin de trouver des fonds par le biais de la taxe d'apprentissage car ce diplôme est amené à disparaître, bien qu'ayant de très bons résultats en termes d'effectif, de débouchés et de recherche).

2/ Le pouvoir donné aux présidents d'université. Je n'ai pas encore eu l'occasion de m'y frotter de près, mais croyez moi, les témoignages qui m'ont été fait rendent compte de ce "mandarinat" déjà présent. Il faut comprendre que les EC n'aiment pas trop le E de EC. Enseigner, c'est intéressant, le contact avec les étudiants, quand ceux-ci sont intéressés. Mais quand vous avez en face de vous 200 gars dont 150 n'en ont pas grand chose à faire de ce que vous dites et que vous avez a corriger 200 fois la même copie, c'est moins drôle. Alors je ne dis pas qu'il faut se plaindre de ceci. Je dis juste que la motivation des EC vient de la recherche et que si elle en vient à occuper une place moindre, ce boulot sera de moins en moins attractif (sans compter que pour un BAC+8, les rémunérations ne sont pas, en France, extravagantes, un peu comme en médecine). Il survient donc que les EC feront tout pour réduire leur temps d'enseignement, d'où le clientélisme.

Il faut noter aussi que même les présidents d'université ne sont pas favorables à la réforme. Comme si Soeur Emmanuelle se voyait offrir la bombe atomique. L'étendue du front anti-Pécresse, dans un milieu relativement éduqué, est tout de même parlante: les présidents, les EC, les doctorants, les étudiants, des prix Nobel et des chercheurs célèbres (Khan notamment qui a remis Sarko à sa place après que celui-ci l'ai inclu dans les soutiens à sa réforme). La Faculté de droit de Lyon 3 a été en grève. C'est quand même que quelques chose ne va pas.

Je tenais également à relativiser les critiques très 1er degré qui apparaissent parfois. "Les EC doivent assurer annuellement 128 heures de cours, ou 192 heures de travaux dirigés, ou 288 heures de travaux pratiques ou toute autre combinaison équivalente." On entend alors souvent le traditionnel et ironique "Wow, 128h par an, mais c'est énorme!". Il faudra alors répéter que ces heures sont celles passées en contact avec les étudiants. Ne sont pas inclus les préparations de cours, les corrections d'exercices hebdomadaires, la préparation des examens (2 au minimum) et leur correction. Ma courte expérience me fait dire que cela prend un temps fou.

Concernant l'évaluation des chercheurs, beaucoup disent également que "Ah, ils se plaignent qu'on les évalue, mais quand même, c'est bien normal". Oui, c'est bien normal, et c'est dèjà (énormément le cas). Allez lire ici, sur le blog science², le commentaire de Indiscipline, posté le 25 Janvier à 11h53. (Vraiment, allez le lire, c'est intéressant). Selon lui, "il est faux, archi-faux, de dire que la recherche ne serait pas évaluée : elle l'est en permanence. Voilà en gros le parcours typique d'un universitaire." Alors là je vais résumer parce que ça dure 3 plombes. En gros:
- Commission validant l'inscription en thèse et donc son sujet
- Nécessité de fournir chaque année un dossier pour la réinscription
- Soutenance de thèse ou les membres du jury, spécialistes de votre domaine, évaluent votre travail. Elle est publique et permet à d'autres universitaire de juger votre travail. Je cite:"On critique vos arguments, votre méthode, vos références théoriques, etc. On vous pousse publiquement dans vos retranchement : c'est un rituel fantastique d'accession non pas à un "poste", mais à la possibilité d'argumenter rationnellement avec des pairs au nom de la vérité sur un domaine circonscrit du réel. " (Ca fait peuuuur!)
- Commission de spécialistes pour l'accession à un poste de Maître de Conférence
- Pour la publication d'articles, votre travail est revu anonymement par des "referees" qui peuvent accepter le papier tel quel, vous demander de changer des éléments (ajouter de nouvelles sessions expérimentales, ajouter telle analyse statistique, etc...) ou refuser le papier.
- Avant cette demande de publication, vous présentez généralement devant les membres de votre labo (séminaire interne) et dans des colloques et conférences où, là encore, vous recevez critiques, commentaires et suggestions (il est tout à fait possible de se faire démolir).
- L'évaluation se fait également lors de la demande de fonds de recherche à l'Etat.
- L'enseignement est également évalué par l'Etat, tous les 4 ans. Je cite: "La nullité des fonctionnaires du ministère en matière d'évaluation (eux, d'ailleurs, ne sont jamais évalués...) est très connue, et c'est une folie furieuse de voir le rythme frénétique avec lequel on nous demande de fournir, chaque année en fait, de nouvelles maquettes de cours pour les évaluer. Évaluations tout à fait sommaire, puisque nous n'avons pratiquement jamais le moindre retour argumenté..."
(Pour info, c'est l'approche de ce plan quadriennal qui fait que mon master peut être amené à disparaître, et donc que les étudiants présents au mauvais moment au mauvais endroit ne pourront pas finir leur cursus)


Il faut également noter, même si cela ne concerne pas l'université, le problème de la formation des maîtres. Il y a quelques mois, Darcos nous disait que les profs de maternelle ne changaient que les couches, critiquant une suqualification de ces personnels. Il sera désormais nécessaire d'obternir un master pour entrer à l'IUFM (qui ne durera alors qu'un an d'après ce que j'ai compris, mais je suis pas sûr). Dons plus de qualification théorique et moins de formation proche du métier d'instit. N'est-ce pas contradictoire?

Bon, c'était mon "analyse" du vendredi matin. C'est la situation telle que je la vois et la comprends. Il y a peut etre également des choses fausses dedans, mais le moins possible j'espère. J'ai également cherché (très vite) sur le site du Monde des supporters, mais je n'ai pu trouver qu'une caricature , genre "les universités francaises sont nulles bien qu'elles aient plein d'argent, et bien sûr que l'on peut faire beaucoup mieux avec beaucoup moins."

Mais néanmoins, la vie reste fonk:

3 commentaires:

Anonyme a dit…

meilleure université française,149eme au classement international des universités(132eme en 2007)... donc ,même si les reformes proposées ne sont pas certainement les meilleurs(voir dangereuse),il y a peut être quelque chose a faire...non?

Matthieu Roujon a dit…

Effaction constatée : Le lien vers le mlog de Bubu est erronex. On tourne en boucle fermée et on réattérit sur BLB...

Signé : le comité d'inspection des mlogs

Chew Ben a dit…

Bon, à remarque classique réponse classique: je n'ai jamais dit qu'il ne fallait rien faire. Cela dit, ce n'est pas que ça ne va pas que faire n'importe quoi améliorera les choses. "Réformer" pour "réformer" ne sert à rien et mieux vaut ne pas faire empirer les choses.

Je ne suis pas du tout sûr mais je pense que ces classements ne rendent pas compte du fait que l'université frnacaise coute 400€ dans le pire des cas alors que les meilleures universités (US & UK) te demandent de t'endetter pour 20 ans. Mais ce n'est pas vraiment le propos.

Je ferais, quand j'aurais le temps, un post sur les contre-propositions et les idées pour tenter d'améliorer l'université française. Mais ca sera pas tout de suite.