15 septembre 2011

J'aurais Mieux Fait De Regarder Les Marakech Du Rire

Voilà ce que je me retrouve à faire par une nuit solitaire à l'hôtel au Luxembourg.

"Psssssssssh. Gloups, gloups, gloups… Rhhaaaaa, ça fait du bien, une bière fraîche avec le sentiment du devoir accompli. Longtemps que j’y pensais. Mais c’est resté tellement longtemps à l’état de projet, un rêve impalpable. Un peu comme quand on pense à tout plaquer, à changer de vie. L’impression maintenant de faire partie d’un club de gens respectables, ceux qui ne se laissent pas traîner. Pas ceux qui subissent, les autres. Le club des autres. Enfin bon, j’ai pas non plus fait que ça pour me la raconter, il y avait un but premier. Pas une quête non, mais juste quelque chose qui devait être fait. Je me sens un peu comme le prof de maths qui a économisé 30 piges et qui a décidé d’acheter son petit resto au fin fond de la cambrousse. Et cette bière là, que je me tape, dans ce beau canapé, dans cette baraque, c’est comme son premier client à lui qui lui a dit « merci, c’était délicieux ». Une espèce de truc dans le genre.

Mais attention hein. Y’a du taf derrière tout ça. Pas fait du jour au lendemain tout ça. Même si bon, le plus dur, ça a été du fantasme au passage à l’acte. Commencer à échafauder le plan. Quand, où, comment, etc… Quand tu commences à penser à ça, parce que le pourquoi tu l’as depuis longtemps, c’est le premier truc qui vient en fait, quand tu commences à penser à ça c’est que t’es lancé. Donc là t’as ton idée générale. Et comme un con, les premiers trucs auxquels tu penses, c’est la déco, les symboles, ce genre de conneries. T’as rien accompli mais tu sais déjà comment tu vas présenter le truc pour que ça pète, qu’on en parle bien. Comme l’ado qui sait pas jouer trois accords de gratte mais qui sait déjà de quelle manière il va saluer l’Olympia en entrant sur scène. Le symbole il m’est venu assez tôt. Mais faut dire que j’ai été aidé aussi.

Donc restaient plus que tous les trucs importants. Rien que ça. A l’arrivée, là, maintenant, je me rends compte que c’était pas si chaud, pas autant que je me l’imaginais. Une petite feinte à gauche, départ à droite et hop. Calé au millimètre mais à la portée de quiconque un tant soit peu motivé et consciencieux. Clair que je pouvais pas garder mon boulot et attaquer ça de front, c’était juste impossible. Mais faut savoir faire des sacrifices pour arriver à toucher ces rêves, au moins du bout des doigts. Dire que c’est l’Etat, l’Etat Français avec des majuscules qui m’a permis de les réaliser. L’ironie du truc, c’est sympa. Ca rajoute du goût au truc. Le petit détail qui apparaitra qu’au troisième ou quatrième paragraphe de l’article mais qui va faire esquisser un sourire à ceux qui seront allé jusque là.

Pas si difficile donc. Faut dire que je m’attaque pas au Sphinx ou à Hercule hein, je commence doucement, faut savoir y aller progressivement. Du coup, un truc tout con, le mec est chez lui pépère, il s’apprête à rejoindre sa famille en vacances. Les voisins sont en vacances, ça je le sais parce que je leur ai demandé l’autre jour à la boulangerie, au cours d’une rencontre fortuite. Là je fait le bon gars, mais vraiment bon comme le pain. « Mais moi je m’en occupe de votre chat, je pars pas. J’habite à côté, à deux pâtés de maison, je passe tous les deux jours pour l’eau et les croquettes, pas de souci ». Le pire, c’est que c’est vrai, c’est ce que j’ai fait pendant deux semaines. C’était long, surtout avec mon allergie mais je regrette pas. Bref, donc me voilà avec les clés des voisins. Et là je sais que ça dépend plus de moi. C’est là que tu vois que je débute, ça dépend plus de moi, je suis plus totalement maître du truc. Confiant dans mes chances mais c’est de la probabilité après, c’est plus moi qui choisis.

La pièce est tombée du bon côté, il est tout seul cette nuit. Je prends mon petit sac avec mon petit nécessaire, j’escalade, difficilement, mais avec l’entraînement ça va, le mur qui sépare les baraques et je me retrouve dans son jardin. Comme un con qu’il est, il calcule rien, en deux secondes je me retrouve face à lui et pif paf pouf, le tour est joué. Sans trop de tâches pour l’instant. J’avoue que le sang froid que j’t ai mis, c’est un peu flippant. Je m’attendais au moins à esquisser une hésitation, faire un truc pas prévu, parler. Mais non. Je sors la petite tenue que je lui ai préparée, un short blanc, un polo bleu marine et un pull rose. Parfait. Je l’habille rapidement. Je retire la lame et transperce le livre de poche. Zadig. 2€85, c’est ce que j’appelle un investissement réussi, merci Decitre. C’est les plus beaux 2€85 que j’ai jamais dépensé ceux-là. Je renfonce la lame avec le bouquin. Je mets mon disque de Miles dans la chaîne et je décapsule ma bière blanche. Y’a pas à dire, caner Frédéric Lefèbvre, ça fait du bien bordel. Et il est vraiment pas mal ce canapé."

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